Impact d'un stress thermique représentatif des milieux de travail sur l'absorption pulmonaire et la toxicocinétique de trois solvants organiques
Montréal (QC) H3N 1X9
Description
Impact d'un stress thermique représentatif des milieux de travail sur l'absorption pulmonaire et la toxicocinétique de trois solvants organiques
Présentée par Axelle Marchand, candidat·e au doctorat en santé publique option Toxicologie et analyse du risque.
Composition du jury :
Mylène RATELLE, Présidente-rapporteuse
Sami HADDAD, Directeur de recherche
France LABRECHE, Membre du jury
Pierre-André BILLAT, Examinateur externe
Fahima NEKKA, Représentante du doyen
Résumé :
L’exposition à la chaleur peut entrainer différents effets sur la santé. Lorsqu’exposé à la chaleur, le corps met en place des mécanismes lui permettant de limiter la température interne et donc les dommages. Ces mécanismes se traduisent entre autres par des changements dans le débit sanguin aux organes et des changements dans la ventilation pulmonaire. Ces mêmes changements peuvent avoir un impact non négligeable sur la cinétique des substances chimiques dans le corps. L’exposition simultanée aux substances chimiques et à la chaleur peut se produire, tant dans un milieu de travail que dans l’environnement en général. Cependant, bien que le risque de survenue de telles expositions soit réel, les conséquences de ces expositions sont relativement peu documentées. Par conséquent, l’objectif de la présente thèse était d’évaluer l’impact de la chaleur sur certains paramètres physiologiques clés et sur la cinétique de solvants organiques volatils chez l’humain. De plus, il était souhaité de développer un modèle toxicocinétique à base physiologique permettant de prédire les concentrations de solvants dans le corps en présence d’un stress thermique. Pour ce faire, des hommes âgés de 22 à 34 ans ont été dans un premier temps exposé à trois températures différentes pour une durée de 4h pendant laquelle différents paramètres cardio-vasculaires et de température ont été mesurés. Cette étape avait pour but d’identifier des relations entre certains de ces paramètres et la température afin de les intégrer à un éventuel modèle TCBP. Bien que certaines tendances se dessinent, peu de différences significatives ont été observées dans les paramètres mesurés entre les températures. La relation entre la température et le débit cardiaque a été extrapolée à partir de la littérature. Par la suite, les participants ont été exposés en groupe de cinq à chacune des températures en présence d’un solvant, l’acétone, le toluène ou le dichlorométhane.
Dans un premier temps, les données collectées pour les expositions au toluène et à l’acétone ont été utilisées pour évaluer si le modèle développé en parallèle permettait de prédire les concentrations de solvant dans le sang, l’air expiré et l’urine. Les données dans le sang ont montré une augmentation des concentrations de toluène et d’acétone en fonction de la température d’exposition. Le modèle lui ne prédisait pas de différence réelle entre les températures puisque, sur la base des données expérimentales, seul le débit sanguin augmentait légèrement avec la chaleur. L’absorption du toluène et plus 4 particulièrement celle de l’acétone est influencée par la ventilation alvéolaire. En assumant que les données expérimentales aient pu être affectées par la méthodologie ou d’autres facteurs, les valeurs de ventilation alvéolaires ont été ajustées dans le modèle à partir des données sanguines pour l’acétone. Cette démarche a permis d’obtenir une relation entre la température, le poids corporel et la ventilation alvéolaire et de l’intégrer dans le modèle. Les prédictions du modèle ainsi raffiné ont été comparés à nouveau aux données pour le toluène. Le modèle a bien performé pour prédire les concentrations moyennes de toluène dans le sang et l’air expiré ainsi que les concentrations d’o-crésol dans l’urine.
Sur le plan individuel, les prédictions ont eu tendance à surestimer les valeurs dans le sang pour les individus avec un faible IMC et à les sous-estimer pour ceux avec un IMC élevé, suggérant un rôle de la composition corporelle dans la modulation de la cinétique des solvants. Le nombre limité de participants et la variabilité dans les résultats ne permettaient toutefois pas d’explorer davantage cette avenue. Le modèle a également permis de prédire adéquatement les concentrations de dichlorométhane dans le sang et l’air expiré. Pour des raisons méthodologiques, il n’a pas été possible de comparer avec les données expérimentales dans l’urine. La performance du modèle ayant été jugée adéquate globalement, ce dernier a été utilisé pour prédire les concentrations des solvants dans le sang ou l’urine pour des scénarios de 8h en variant le ratio travail/repos tel que proposé lors du travail à la chaleur. Les résultats suggèrent que des pauses fréquentes à l’écart de la source de solvant peuvent aider à contrer l’augmentation des concentrations sanguines dans une certaine mesure, selon les caractéristiques du solvant. Les résultats suggèrent également que la chaleur devrait être prise en compte dans l’interprétation des données de biosurveillance. Il apparait toutefois nécessaire de reproduire les résultats à travers davantage de recherche, d’évaluer l’effet de la chaleur sur des solvants dont l’absorption est davantage limitée par la perfusion, de mieux comprendre le rôle de la composition corporelle sur la relation entre la chaleur et la cinétique des composés organiques volatils et de mieux comprendre comment est modulé ce rôle de la chaleur en présence d’effort physique également.
Mots-clés : COV, modélisation toxicocinétique, chaleur, toluène, acétone, dichlorométhane (maximum 10 mots-clés).