Conférence de Benoît Faucher.
Description (crédits : BCh)
« Nous tous croyons qu’il est impossible d’aller sur la lune; mais il pourrait y avoir des gens qui croient que c’est possible et que cela arrive parfois. Nous disons : ces gens ne savent pas bon nombre de choses que nous savons. » Wittgenstein écrit ces lignes durant les 18 mois qui précèdent sa mort, entre 1949 et 1951. L’ironie du sort fait qu’elles sont publiées en 1969, l’année où Apollo 11 bouleverse le fondement empirique de l’aphorisme en question. Ainsi, l’impossibilité d’aller sur la lune, exemple peut-être fortuit évoqué pour établir le lien entre croyance et savoir, devient immédiatement un marqueur fort de l’inévitable temporalité des énoncés factuels. Cette impossibilité permet aussi de creuser le lien entre les récits de voyage dans la lune, qui n’ont pas attendu les périples d’Armstrong et Aldrin pour proliférer, et leur éventuelle actualisation. En effet, on a souvent utilisé l’exemple concret du voyage dans la lune pour justifier la science-fiction en tant que littérature « sérieuse, » lui attribuant une sorte de valeur divinatoire. Au moment où Wittgenstein établissait qu’il était impossible d’aller sur la lune, un grande tradition de récits spéculatifs exploraient la possibilité de s’y rendre. Et suite au retour des astronautes américains, les récits de conspiration tentant de nier la véridicité des preuves audio-visuelles du périple ont rapidement atteint une popularité persistante. Si l’impossible est en mesure de coexister avec sa propre possibilité spéculative, et vice-versa, c’est qu’il existe une faille au sein de leur polarisation, une faille intrigante qui semble nécessiter la littérature. En regardant de plus près les récits de voyage dans la lune de Verne, Poe et Wells, cette conférence espère sonder la face cachée de la littérature : sa charge épistémologique.
Benoît Faucher est doctorant en littérature comparée à l’Université de Montréal. Sa thèse, produite sous la supervision de Terry Cochran, s’intitule Figurer l’irréel ; Constitution du savoir dans les mondes impossibles d’Abbott et Vonnegut. Il travaille sur l’épistémologie, la charge du savoir dans le littéraire, la théorie des mondes possibles et l’expérience de pensée. Dans ses temps libres, il jongle les contrats de traduction et de rédaction, en plus de poursuivre des intérêts trop nombreux, et de pousser des recherches à propos de la figure du geek et son implication dans l’économie du savoir contemporain. Il est rédacteur en chef et webmestre de Post-Scriptum.ORG, revue de recherche interdisciplinaire en texte et médias.