Je prendrai pour point de départ la retraduction anglaise, publiée en 1984
par David Homel, du premier roman écrit en joual, Le cassé de Jacques Renaud
(1964), en vue desquisser à la fois les enjeux soulevés par ses choix
traductionnels en loccurrence, le recours au North American street slang
et, surtout, les multiples effets que ces derniers ont créés. Il sagira de
vérifier lhypothèse selon laquelle le fait de recourir à un équivalent dans
le contexte littéraire, socioculturel et politique anglo-canadien ne
correspond pas toujours à une simple stratégie de domestication et
dappropriation, mais peut coïncider dans certains cas avec une stratégie,
nettement plus complexe et ambiguë, qui embraye sur les processus
assimilateurs quelle déclenche afin den exposer les points aveugles. Dans
ces conditions, il est possible de voir dans certaines pratiques à priori
hypertextuelles une volonté de résister aux hégémonies de la langue-culture
cible. De plus, non seulement ces pratiques brouillent les paradigmes
traductologiques, mais elles remettent en cause les assises consensuelles de
la notion de « dialogue » interculturel tout en offrant une alternative aux
effets de nivellement linguistique et culturel engendrés par la
mondialisation.
Bio-bibliographie
Gillian Lane-Mercier enseigne la théorie littéraire et la littérature
française du XXe siècle. Ses champs de réflexion et de recherche couvrent la
socio-sémiotique, les théories de lénonciation et de la réception, la
traductologie et la traduction littéraire au Québec et au Canada depuis les
années 1960. Auteure de La parole romanesque et co-auteure de Faulkner. Une
expérience de retraduction, elle a publié de nombreux articles sur la théorie
du roman et la traductologie. Elle prépare actuellement une monographie sur
les romanciers-traducteurs anglo-québécois et canadiens contemporains