Nombreux sont les États démocratiques qui ont adopté un régime de multilinguisme officiel. S’il s’agit là d’un fait bien connu, il ne suscite pas moins certaines questions en ce qui concerne le fonctionnement même de ces systèmes politiques. En effet, en théorie politique, la possibilité d’une vie démocratique a traditionnellement été associée à l’existence d’un espace public fondé sur une langue commune, ce qui entre directement en contradiction avec l’idée de multilinguisme. À partir de là, on peut se demander comment la circulation des informations, qui devient alors un élément central et qui renvoie entre autres à une certaine production de textes, est assurée par les différents acteurs du système politique en question (gouvernement certes, mais aussi partis politiques, groupes d’intérêt, etc.). Nous appelons cette production de textes, qui peut s’appuyer sur la traduction, mais n’y est pas limitée, la coordination interlinguistique. Dans notre présentation, nous proposons de nous pencher sur la coordination interlinguistique telle qu’elle est réalisée par des partis politiques suisses pour la production des périodiques destinés à leurs membres et sympathisants. Une attention particulière sera portée à leur façon d’aborder la coordination interlinguistique et nous montrerons, sur la base d’entretiens semi-directifs, comment deux caractéristiques du système politique suisse, à savoir les enjeux de représentation et le fédéralisme, jouent un rôle dans les choix opérés en la matière.
Véronique Bohn est diplômée de la Faculté de traduction et d’interprétation de l’Université de Genève, où elle a obtenu un doctorat en traductologie en 2019. Durant ses années à Genève, elle a travaillé à l’université notamment en tant qu’assistante-doctorante et en tant que chargée d’enseignement suppléante au Département de traduction, tout en exerçant une activité de traductrice indépendante sur le marché suisse. Elle effectue actuellement une recherche post-doctorale à l’Université de Montréal grâce à une bourse du Fonds national suisse de la recherche scientifique. Elle est par ailleurs affiliée à Transius, le centre d’études en traduction juridique et institutionnelle de l’Université de Genève. Ses domaines d’intérêt couvrent les politiques de traduction, la traduction institutionnelle et la traduction des textes politiques.