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Didier Cost est professeur Émérite de Littérature Comparée

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Depuis plus de vingt ans, la discipline de la Littérature Comparée, empêtrée dans sa perpétuelle crise (supposée), cherche à se survivre en embrassant les objets et parfois les méthodes de disciplines ou para-disciplines connexes, certaines solidement établies, d’autres opportunistes ou à tout le moins circonstancielles: littérature mondiale, études culturelles, études postcoloniales, ou encore traductologie, jouant souvent les unes contre les autres à défaut de pouvoir les combiner ou les concilier.

Or la traductologie est extrêmement divisée, non seulement entre empirisme et théorisation, mais entre des modèles difficilement conciliables (philologiques, sémiotiques, culturalistes et autres), ce qui ne fait que redoubler les problèmes de la Littérature Comparée quand celle-ci se compromet avec elle. Malgré bien des efforts pour les dépasser, les questions d’équivalence entre textes, de préséance de l’origine et de la destination, ou encore celles de l’autorité et de l’identité de l’énonciateur du traduit continuent de hanter les théories de la traduction qui se proposent comme alternatives à la théorie comparatiste. L’obsession des intraduisibles recoupe celle de l’incomparabilité, la traduction reste vue comme un cas ou une modalité de la réception internationale d’une œuvre. L’irréductibilité de la différence culturelle posée par le culturalisme en lieu et place de la différence linguistique, et pour laquelle il n’y aurait aucune procédure de conversion, menace l’unité anthropologique et achève d’intimider le geste comparatiste en posant comme principe ontologique une autreté essentielle et non une altérité construite, négociée.

Il est donc temps de repenser le processus traductif non pas dans le face-à-face figé et simultané des textes mais dans sa successivité et son toujours-différé : “traduire, c’est poursuivre la conversation dans une autre langue”. C’est dans cette suite et dans une alternance des tours de parole qu’une altérité sensée et évolutive peut s’imaginer en tant qu’autre déterminé de quelqu’un. La traduction, ainsi conçue comme plurilinguisme en effet, est génératrice d’identités dialogiques, mobiles et interdépendantes (réciproques et, dans une certaine mesure, mutualisées).

Ce qui s’ébauche de métissage dans tout acte de traduction, y compris dans la lecture traduisante et transculturelle (translecture/transreading), dont la pratique doit être fondamentalement plurielle et réversible, ne peut se concevoir sans négociation des conditions de recevabilité, d’hospitalité et d’appropriation relevant de chacun des espaces concernés, que cette négociation repose sur le consensus du profit mutuel (gagnant-gagnant) ou qu’elle soit marquée par la violence polémique. Comme dans toute intellection comparative, il n’est d’altérité que sur fond d’espace commun, de pensée analogique, en pensant l’hétérogène comme connexe, ce qui est aussi une forme de jeu, dont témoignent volontiers les textes modernes ou post-modernes donnés en exemple.

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Didier Coste, (PhD, Sydney ; Docteur ès Lettres, Provence ; HDR, Émérite de Littérature Comparée à l’Université Bordeaux Montaigne, a enseigné sur tous les continents. Théoricien de la Littérature, ses travaux relèvent principalement de la narratologie, de la poétique de la poésie, de l’esthétique interartistique et de la sémiologie. Spécialiste de culture indienne moderne et contemporaine depuis une quinzaine d’années, il prépare un ouvrage intitulé Conversations with Hanuman. Auteur de plusieurs livres et de plus de cent-cinquante articles de recherche, il est aussi romancier, nouvelliste et poète en français et en anglais. Anonymous of Troy est son dernier cycle poétique publié, Puncher & Wattmann, Sydney, 2015. Il a dirigé pendant quatorze ans une Fondation culturelle internationale en Espagne. Traducteur d’une trentaine d’œuvres littéraires et d’essais en Sciences humaines de langue anglaise, espagnole et catalane, il a obtenu en 1977 le Grand Prix Halpérine Kaminsky pour l’ensemble de son œuvre de traducteur littéraire à cette date. Dernières traductions parues : deux anthologies personnelles de poètes argentins contemporains, Oscar Steimberg et Susana Romano Sued, Reflet de Lettres, Paris, décembre 2015.

Didier Coste,  Université Bordeaux Montaigne : Traduction interculturelle et négociation de l'altérité
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