Conférence de presse suivie du lancement de l’ouvrage de Maurice Tardif « La condition enseignante au Québec du XIXe au XXe siècle. Une histoire cousue de fils rouges : précarité, injustice et déclin de l’école publique » (paru aux Presses de l’Université Laval, septembre 2013).
Cette conférence de presse entend faire le point sur cette question d’intérêt général : où s’en va aujourd’hui l’enseignement scolaire public et quel sort attend les jeunes enseignants et enseignantes qui se préparent à travailler dans l’école québécoise en ce début de XXIe siècle?
Maurice Tardif est professeur titulaire de la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal et Directeur du CRIFPE-Montréal.
Enseigner aujourd’hui à l’école publique : une profession en phase de dégradation?
Dans le monde de l’éducation, l’année 2013 devrait être une belle occasion de réjouissance, car elle marque le 50e anniversaire du lancement du célèbre rapport Parent (1963-1964), dont les recommandations ont conduit, comme chacun sait, à l’édification de notre système scolaire actuel du primaire à l’université. Pourtant, malgré les nombreux progrès accomplis en plusieurs domaines, tous ne trouvent pas matière à se réjouir, à commencer par les enseignants et enseignantes qui travaillent dans nos écoles publiques. Il faut rappeler que le rapport Parent tenait ces enseignants et enseignantes du Québec en très haute estime : il les considérait comme une véritable profession qui devait bénéficier d’une large autonomie, de bonnes conditions de travail et d’une grande considération sociale. Or, ce qu’on observe, c’est que les enseignants et enseignantes de l’école publique semblent plutôt vivre au Québec depuis quelques décennies déjà une période particulièrement difficile de l’histoire de leur profession. Par exemple, depuis les années 1980, le taux de précarité qui règne dans l’enseignement se maintient entre 40 % et 45 %. On peut estimer que près de 20 % des nouveaux enseignants et enseignantes quittent un métier qui les laisse profondément insatisfaits après seulement quelques années de pratique. Dans les écoles publiques, l’intégration d’élèves en grande difficulté dans les classes ordinaires, la pauvreté des enfants, des publics d’élèves réfractaires à toute forme d’apprentissage, les relations difficiles avec certains parents, l’enseignement à des élèves provenant de plusieurs milieux culturels et linguistiques sans bagage minimal commun, la rotation fréquente du personnel en place, sans parler de l’insalubrité des bâtiments, tout cela dessine les pourtours d’un travail enseignant devenu de plus en plus pénible à réaliser. Or, justement, de nombreuses enquêtes indiquent un niveau de détresse psychologique élevé parmi le personnel enseignant. À ces difficultés s’ajoutent les nombreuses réformes scolaires et les nouvelles politiques éducatives mises en œuvre depuis les années 1990 : réforme chaotique des programmes scolaires depuis 2000, fausse décentralisation du système scolaire qui reste profondément lourd et bureaucratique, contrat de performance, obligation de résultat, etc. Or, peu importe le gouvernement en place, libéral ou péquiste, toutes ces réformes ont été régulièrement assorties de compressions budgétaires et de surcharges administratives qui les ont rendues difficilement réalisables avant même qu’elles soient implantées. Sans cesse avortées, bloquées ou défigurées faute de moyens et d’orientations claires, n’ont-elles pas fini par désillusionner les enseignants et enseignantes sur les possibilités d’amélioration de l’école publique?
RSVP avant le 30 octobre 2013 * sophie.goyer@umontreal.ca