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Montréal

Caractérisation des atmosphères d’exoplanètes dans le contexte de leur formation et évolution


Il y a près de trente ans, la première exoplanète a été détectée autour d'une étoile autre que le Soleil. Bien que plus de cinq mille exoplanètes aient été confirmées à ce jour, nous n’avons étudié l’atmosphère que de quelques dizaines d’entre elles et, dans la plupart des cas, n’avons eu accès qu’à une seule molécule. Nous commençons tout juste à découvrir la diversité des atmosphères exoplanétaires, et entrons dans une ère de caractérisation détaillée grâce à une nouvelle génération de télescopes, qui ouvre de nouvelles perspectives sur leur évolution et les processus chimiques et dynamiques qui les régissent. Au cours des dernières années, j'ai contribué à des études sur des exoplanètes allant de petites planètes de type terrestre jusqu’à des géantes gazeuses aux densités extrêmement faibles. Cette thèse contient quatre de ces études, qui exploitent une variété de méthodes d'observation et de modélisation.


Dans le premier article, nous nous sommes penchés sur WASP-107 b, une planète de la taille de Jupiter avec une densité étonnamment faible, l'une de quelques énigmatiques ``super-puffs''. Nous avons obtenus une nouvelle mesure de la masse de cette planète en utilisant les données récoltées par une campagne de vitesses radiales sur quatre ans, ce qui était essentiel à l’étude de son atmosphère. Nous avons également détecté un compagnon planétaire lointain, WASP-107 c. Notre nouvelle mesure de la masse est encore plus faible que les estimations précédentes et, combinée aux contraintes existantes sur la composition de l'atmosphère obtenues à l'aide de spectroscopie de transmission, celle-ci semblait indiquer une masse très faible pour le noyau planétaire, remettant en question les modèles existants de formation des planètes géantes. Nous avons proposé de nouveaux scénarios dans lesquels de telles planètes géantes peuvent malgré tout accumuler leur envelope de gaz sur des noyaux de faible masse, à de grandes distances de leur étoile hôte.


Dans la deuxième étude, nous nous sommes tournés vers un type de planète très différent avec Kepler-138 d, une petite planète de 1,5 rayons terrestres. Nous avons analysé les observations de transit obtenues avec les télescopes spatiaux Hubble et Spitzer et constaté que l'interaction gravitationnelle entre les trois planètes connues du système, Kepler-138 b, c et d, ne peut expliquer les variations des moments de transit de Kepler-138 d, nécessitant la présence d'une quatrième planète. Nous obtenons de nouvelles mesures des masses de Kepler-138 c et d, qui révèlent que leurs densités sont trop faibles pour être compatibles avec la composition rocheuse communément attendue pour des planètes de cette taille. En combinant la modélisation de la structure planétaire avec des calculs d'échappement atmosphérique, nous démontrons que ces planètes ont probablement des intérieurs supercritiques et des atmosphères composées d'eau ou d'autres espèces chimiques ayant une densité similairement élevée.


La planète faisant l’objet de notre troisième étude, GJ 9827 d, mesure à peine 2 rayons terrestres. Comme Kepler-138 d, sa densité est intermédiaire entre les planètes plus grandes qui ont des enveloppes dominées par l'hydrogène, et les plus petites planètes rocheuses, ce qui suggère une composition atmosphérique potentiellement enrichie en métaux. Nous exploitons les observations de transit de l'atmosphère de GJ 9827 d avec JWST NIRISS/SOSS pour déterminer que sa composition atmosphérique est fortement enrichie en molécules au poids moléculaire élevé, y compris de grandes quantités d'eau, et est pauvre en hydrogène par rapport aux planètes légèrement plus grandes. Nous proposons des diagnostics observationnels pour déterminer l'origine de cet enrichissement en métaux, qui pourrait provenir de grandes quantités initiales de glaces accretées, des interactions géochimiques entre l'atmosphère et l'océan de magma sous-jacent, ou de la perte progressive des constituants atmosphériques les plus légers au fil du temps.


 Le quatrième et dernier travail présenté dans cette thèse a pour objet une petite exoplanète rocheuse tempérée (température d’environ 12 degrés Celsius) et mesurant 0,8 rayon terrestre, TRAPPIST-1 d. Nous observons son spectre de transmission en utilisant JWST NIRSpec/PRISM, et ne détectons aucune signature atmosphérique planétaire, malgré notre haute sensibilité même aux atmosphères secondaires fines et de poids moléculaire élevé similaires aux planètes rocheuses du système solaire. Nous proposons que TRAPPIST-1 d a soit été dépouillée de son atmosphère par l'irradiation intense qu'elle reçoit de son étoile, soit qu'elle présente des signatures d'absorption très faibles en transmission, en raison d'une atmosphère de poids moléculaire élevé avec une pression de surface extrêmement faible, ou de la présence de nuages à haute altitude qui masquent les signatures d'une atmosphère plus profonde.


 Ces études ne représentent qu'un modeste sous-ensemble de la richesse des informations qui peuvent être obtenues sur la nature des exoplanètes et de leurs atmosphères grâce à des études observationnelles détaillées, soutenues par des approches de modélisation rigoureuses. De nouveaux télescopes tels que le JWST permettent maintenant la caractérisation atmosphérique de plus en plus précise d'un échantillon croissant d'exoplanètes. De telles observations nous permettront bientôt de construire un échantillon statistique d'atmosphères d'exoplanètes qui défiera sans aucun doute davantage nos modèles et hypothèses, et nous rapprochera de la compréhension des facteurs sous-jacents à leur diversité.

Soutenance de doctorat de Caroline Piaulet