La spectroscopie est un aspect fondamental de l'astronomie observationnelle, offrant des contraintes sur la composition, la température, la densité, la masse et le mouvement des objets astronomiques. Cette thèse se concentre spécifiquement sur la spectroscopie des naines M, des étoiles petites et froides de la séquence principale, les plus nombreuses dans notre Galaxie. Malgré leur abondance, les naines M ont été moins étudiées que les étoiles plus brillantes en raison de leur faible luminosité et de leurs spectres complexes dominés par des bandes moléculaires. Cependant, leur importance en astrophysique est profonde, car elles sont cruciales pour comprendre les populations stellaires, l'évolution des galaxies et elles sont des cibles privilégiées dans la recherche et la caractérisation des exoplanètes, en particulier celles semblables à la Terre et potentiellement habitable.
La pierre angulaire de notre méthodologie observationnelle est le SpectroPolarimètre InfraRouge (SPIRou), un instrument de pointe situé au Télescope Canada-France-Hawaï (CFHT). Ce spectropolarimètre proche infrarouge (PIR) est spécialisé pour des études liés à la détection et caractérisation d'exoplanètes et divers programmes d'astrophysique stellaire. La spectroscopie à haute résolution de SPIRou opère entre 0.98 et 2.35 microns, avec un pouvoir de résolution d'environ 70000, idéal pour étudier les étoiles relativement froides comme les naines M, qui émettent principalement dans le domaine spectral du proche infrarouge. Sa capacité à détecter des caractéristiques spectrales subtiles est cruciale pour déterminer avec précision les abondances élémentaires, la température effective et la vitesse radiale d'une étoile. De plus, bien que ce ne soit pas l'objectif principal de cette thèse, les capacités polarimétriques de SPIRou offrent des aperçus précieux sur les champs magnétiques des naines M.
Notre analyse initiale s'est concentrée sur l'étoile de Barnard, une naine M bien étudiée dans le voisinage solaire. Nous avons comparé les spectres PIR haute résolution observés aux modèles d'atmosphère stellaire PHOENIX-ACES. Bien que ces modèles soient généralement en bon accord avec les observations, de nombreuses différences spectrales sont identifiées telles que le décalage du continuum, de la contamination non résolue de diverses raies de même que le décalage inattendu de raies spectrales de leur longueur d'onde nominale. Tous ces problèmes conspirent à biaiser les déterminations d'abondance et de température effective. Une partie importante de cette étude a impliqué l'identification d'une liste de raies spectrales fiables dans le spectre PIR pour l'analyse chimique. Nous avons développé un pipeline automatisé personnalisé qui prend en compte les incertitudes du modèle, adapté pour déterminer à la fois la température effective et les abondances chimiques basées sur un spectre PIR haute résolution. Pour l'étoile de Barnard, nous avons déterminé une température effective de 3231\,$\pm$\,21 K, en excellent accord avec la valeur de 3238\,$\pm$\,11 K déduite des méthodes interférométriques considérées comme les plus fiables. De plus, notre analyse a fourni des mesures d'abondance de 15 éléments, dont quatre (K, O, Y, Th) jamais signalés auparavant. Ces mesures sont en bon accord avec la littérature.
S'appuyant sur notre étude initiale, nous avons étendu notre méthodologie à un échantillon de 31 naines M proches, dont une dizaine dans des systèmes binaires avec une étoile FGK comme primaire dont la métallicité est bien établie par la spectroscopie haute resolution dans le domaine visible. Cet échantillon permet d'investiguer l'applicabilité et les limites de nos techniques et de fournir une comparaison entre les mesures d'abondance déduites de la spectroscopie PIR et optique. Nous avons caractérisé les incertitudes de notre méthode \teff en la testant sur des modèles synthétiques avec divers niveaux de bruit et avons trouvé une incertitude constante de 10\,K pour un rapport signal-bruit supérieur à $\sim$100. La comparaison de nos mesures de température effective sont en excellent accord, à 30 K près, avec des valeurs interférométriques. Nous avons ensuite mesuré les abondances de jusqu'à 10 éléments différents pour ces étoiles, certaines ayant leurs premières compositions chimiques mesurées. Pour les systèmes binaires, nous avons trouvé des métallicités marginalement inférieures dans les naines M par rapport à leurs compagnons FGK dont la métallicité est dérivé de la spectroscopie optique, avec des différences résiduelles de 0,14\,$\pm$\,0,09 dex par rapport aux valeurs rapportées de \cite{mann2013prospecting}. On trouve donc un excellent accord entre les mesures d'abondances dérivées de la spectroscopie PIR haute résolution par notre méthode et celles dérivées de la spectroscopie haute résolution optique de leur compagnon FGK.
Nos résultats ont contribué à l'analyse spectroscopique des naines M, élargissant le champ de l'analyse d'abondance chimique pour ces étoiles. Nous avons compilé une liste de raies fiables où les modèles PHOENIX montrent un bon accord avec les observations. Nos résultats soulignent la nécessité de modèles d'atmosphère améliorés pour mieux exploiter la puissance de la spectroscopie PIR pour une détermination précise de la température effective et des mesures d'abondance des naines M.