Cette conférence interdisciplinaire bilingue (en mode hybride) proposée autour du vêtement aura lieu à Montréal les 3, 4 et 5 mai 2023 et se tiendra au Carrefour des arts et des sciences de l’Université de Montréal (UdeM) et à la salle Pierre-Bourgault de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).
Le projet est mené par Anne Létourneau (études religieuses, UdeM), Liza Petiteau (mode/histoire de l’art et études féministes, UQAM) et Laura Kassar (études religieuses, UdeM). Dans le cadre de cette demande, nous pouvons compter sur l’appui de quatre partenaires principaux : la Faculté des arts et des sciences de l’UdeM, le Réseau québécois en études féministes (RÉQEF), le Centre interdisciplinaire de recherche sur les religions et les spiritualités (CIRRES) et le chantier Religions, Féminismes et Genres, aussi affilié au RÉQEF. L’événement réunira des participantes des universités McGill, Concordia, UdeM, UQAM, UQO, Carleton, Toronto Metropolitan, Temple et du CNRS, le Fabric Workshop & Museum, ainsi que de plusieurs artistes ayant notamment exposé à Montréal.
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Cette conférence propose d’explorer les différentes articulations possibles entre le vêtement, le genre et la violence. En effet, le vêtement est une « interface matérielle » où se façonnent les identités, le rapport au monde et au corps (Petiteau 2019). Il s’agit aussi d’un haut lieu de signification et de circulation des rapports de pouvoir, des normes et de la violence, au plus près du corps. À la fois pratique matérielle et théorie (Dormor 2020), l’objet le plus souvent textile est tout désigné pour une conférence interdisciplinaire. Cette dernière mènera à des incursions en histoire de l’art, en mode, en anthropologie culturelle, en littérature, en arts visuels et textiles, en études féministes et de genres et en études religieuses. Quelques questions nous occuperont d’emblée :
1) Comment le vêtement, manipulé, porté, déchiré, perdu, transformé, participe-t-il à l’encorporation (« embodiment ») de la violence individuelle et collective et des normes de genre? En effet, l’objet textile n’est pas toujours ce confortable refuge que l’on imagine parfois. Son histoire – étroitement associée aux questions de genre, de race et de classe – montre à quel point il a constitué une menace pour la santé et la sécurité des personnes qui le fabriquent ou le portent : empoisonnement, accident de travail, incendie, etc. (Matthews David 2015). Pièce à conviction dans une cour de justice, il peut se retourner contre la victime et devenir la « preuve » d’un comportement « à risque ».
2) Quelles résistances sont donc possibles ? Comment imaginer d’autres corps à partir de pratiques artistiques textiles militantes (Ezcurra & Mitchell 2018; Petiteau 2011)? Les apports du nouveau matérialisme et des épistémologies autochtones mènent justement à penser le vêtement par-delà son seul ancrage dans le corps humain, dans ses connexions avec le non-humain, l’espace organique, une forme de transcorporalité (Smitheram & Joseph 2020; Ragazzini 2022).
3) La dimension fortement « haptique » du vêtement permet aussi de réfléchir à son rôle d’archive affective, une mémoire des souffrances, des traumatismes, comme des plaisirs (cf. Levitt 2020; Kotrosits 2020). Il garde la trace des manipulations, des déplacements et des contacts avec d’autres objets et d’autres corps (cf. Ahmed 2006) et participe à une multitude d’assemblages où son simple statut d’objet est aboli (Deleuze & Guattari 2013). Il est alors reconnu comme agent à part entière (Hazard 2013; cf. Barad 2007). Comment tenir compte de cette tactilité mémorielle et affective dans l’étude du vêtement?
4) Ces réflexions sont par ailleurs appelées à être articulées autrement lorsque la matérialité d’une robe ou d’un chapeau trouve à s’inscrire dans les cadres particuliers d’une œuvre littéraire, visuelle ou cinématographique. Qu’en est-il de l’objet « textualisé » (Frenk 2012; Jones & Stallybrass 2001) qui est lu, mais ne peut être touché? Comment le vêtement représenté construit-il à la fois les corps des personnages et ceux des spectatrices et des spectateurs ? Quelle violence est impliquée (cf. Contogouris 2021)? Autant d’explorations que nous souhaitons entreprendre dans le cadre de cette conférence.