Peu après la fondation des premières écoles d'interprétation dans les années 1950, les études sur l'interprétation sont passées, grâce aux progrès faits dans des domaines tels que la linguistique, la psychologie, la neurologie, les sciences cognitives, la sociologie, etc., de la présomption subjective à l'analyse empirique, de la considération d'un seul aspect à la triangulation. De plus, elles sont devenues de plus en plus diversifiées et raisonnées. En 1949, Louis H. Paulovsky, interprète anglais-allemand et formateur en interprétation, a proposé dans son article Prinzipien der akadernischen Dbersetzer- und Diplomdolmetschausbildung (Principes de la formation universitaire des traducteurs et des interprètes), une centaine de critères pour évaluer les qualités intellectuelles, morales et pratiques des futurs interprètes, devenant ainsi un des premiers (p. ex., Herbert 1952; Paneth 1962; Longley 1968 1978; Seleskovitch 1978; Keiser 1979) à accorder une attention particulière aux caractéristiques personnelles des interprètes. Au début des années 1980, John A. Henderson (1980, 1987) a eu recours au questionnaire 16PF (The Sixteen Personality Factor Questionnaire), mis au point par Raymond Cattell et son équipe, dont les travaux ont inspiré la théorie des traits de la personnalité. Ils ont ainsi étudié 65 traducteurs et interprètes professionnels travaillant dans les organisations internationales. Leur objectif était de trouver les interprètes « typiques ». Ces travaux annoncèrent non seulement un tournant « empirique » dans la recherche, mais aussi le début de l'exploitation de la structure et des différences individuelles des traits de personnalité des interprètes (p. ex., Szuki 1988; Kurz 1996; Angelelli 2004a 2004b; Rosiers, Eyckmans and Bauwens 2011). Au début du 21e siècle, les recherches empiriques se multiplient dans le domaine de l'interprétation et les chercheurs intéressés par les traits de personnalités des interprètes tournent leur regard vers l'influence de ces traits sur la performance des interprètes (p. ex., Gomez et al. 2007; Bontempo & Napier 2011 2014). Dans notre communication, nous voudrions revoir les travaux portant sur les traits de personnalité des interprètes en nous concentrant sur trois axes, à savoir : 1) la structure de personnalité des interprètes; 2) leurs différences individuelles; 3 les impacts positifs et négatifs des traits de personnalité sur la performance en interprétation. Notre but n'est pas de relancer les débats sur la quête du profil « idéal » de l'interprète, mais d'exploiter l'interaction entre la personnalité de l'interprète et l'environnement où il se trouve et, enfin, de trouver le lien entre les traits et la performance de l'interprétation.
Shu Shen est professeur assistant de l'Université de Xiamen (Chine), boursier du Canada-China Scholars’ Exchange Program, chercheur invité au Département de linguistique et de traduction