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Apprendre à collaborer en équipe interprofessionnelle et à développer les compétences de la pratique collaborative et de partenariat patient en santé et services sociaux dans un cours universitaire hybride à l’ère du numérique

Directeur de recherche : Thierry Karsenti
Co-directrice : Isabelle Brault

Membre du jury : Nicolas Fernandez
Examinateur externe : Jacinthe Savard, Université d’Ottawa
Président  : Serge J. Larivée
Représentant de la doyenne : Michel Lepage

Résumé

À l’ère de la quatrième révolution industrielle portée par le numérique, il est impératif pour tout citoyen de développer des compétences de collaboration, de résolution de problème et de créativité de manière à surmonter les nombreux défis posés par le 21e siècle (UNESCO, 2015). À la fois académique et professionnelle, la collaboration est une compétence qui se mobilise, notamment en faisant l’usage du numérique. Toutefois, à la lumière des difficultés souvent rencontrées lorsque vient le temps de travailler en équipe, force est de constater que la collaboration nécessite un certain apprentissage, en particulier dans le domaine de la santé. En effet, la collaboration entre les professionnels de la santé s’avère être nécessaire pour faire face au vieillissement de la population, à la prévalence des maladies chroniques et à la pénurie de personnel chez certaines professions de la santé (Organisation mondiale de la santé, 2010). De plus, pour favoriser une collaboration optimale et offrir des soins de qualité, des équipes en santé et services sociaux choisissent désormais d’adopter une approche de soins qui intègre le patient dans l’équipe interprofessionnelle. C’est le cas du partenariat patient où la collaboration interprofessionnelle se vit, notamment en valorisant les savoirs expérientiels du patient à l’égard de la vie avec la maladie.

Afin de former les futurs professionnels de la santé et des services sociaux à collaborer, de plus en plus d’universités proposent une formation axée sur l’éducation interprofessionnelle (EIP) ou encore l’éducation à la collaboration interprofessionnelle traduit de l’anglais – diminutif tiré de la langue anglaise IPE pour Interprofessional Education –  IPE[1]. C’est le cas de l’Université de Montréal (UdeM) qui offre une formation en EIP visant à enseigner des compétences de la pratique collaborative en sciences de la santé et en sciences psychosociales selon une approche de soins en partenariat avec le patient. Les écrits scientifiques soulignent que l’EIP favorise la création d’une interaction positive entre les étudiants de différents programmes, encourage la collaboration interprofessionnelle en milieu clinique et améliore les soins de santé et la sécurité des patients. Cependant, l’EIP est confrontée à divers défis, entre autres, de logistique, de communication et de cloisonnement des professions. Pour surmonter ces obstacles, l’UdeM s’est donc tournée vers le numérique afin de permettre à des équipes interprofessionnelles d’étudiants de collaborer en ligne et en présentiel pour développer des compétences de pratique collaborative en partenariat patient. Cette étude s’intéresse donc à décrire comment les étudiants réunis en équipe interprofessionnelle collaborent dans le contexte du cours hybride de Collaboration en sciences de la santé (CSS) en partenariat avec le patient offert par l’UdeM. De manière spécifique, nous décrivons comment les étudiants collaborent en ligne (objectif spécifique 1) et en présentiel (objectif spécifique S2) et nous identifions les compétences du référentiel de compétences mobilisées (objectif spécifique 3).

Ce projet de recherche doctoral propose un cadre conceptuel basé sur l’apprentissage collaboratif en mode hybride (en ligne et en présentiel) de l’EIP. Cette méthode hybride pour l’éducation à la collaboration interprofessionnelle en partenariat patient est composée de trois principaux éléments. Premièrement, le modèle de Chiocchio, Grenier, O’Neill, Savaria et Willms (2012) permet de décrire comment les équipes d’étudiants collaborent. Deuxièmement, pour identifier les compétences mobilisées par les participants de l’étude, nous nous basons sur le référentiel de compétences de la pratique collaborative et de partenariat patient en santé et services sociaux (Direction collaboration partenariat patient [DCPP] et Comité interfacultaire opérationnel l’Université de Montréal [CIO-UdeM], 2016) et de la typologie du travail interprofessionnel de Xyrichis, Reeves, Zwarenstein (2018) décrivant, notamment les contextes authentiques des milieux de pratique.

Notre étude emploie une méthodologie mixte convergente, puisque nous avons procédé à la collecte et l’analyse des données quantitatives et qualitatives de manière concomitante. Nous avons mené cette étude auprès d’une cohorte de 1435 étudiants de deuxième année de baccalauréat dans le cadre du cours CSS2900. Ces étudiants proviennent de treize programmes à l’UdeM. Nous avons utilisé deux outils de collecte de données. Premièrement, nous avons analysé le Journal de bord collaboratif (JBC) de douze équipes interprofessionnelles d’étudiants (n=60), soit un corpus de cette cohorte. Deuxièmement, nous avons partagé un questionnaire La collaboration en équipes interprofessionnelles à la cohorte à la fin du cours et celui-ci a été répondu par 320 participants. Ce questionnaire contenait, notamment l’instrument de sur les dimensions de Chiocchio et coll. (2012) sur la collaboration mobilisées lors d’un travail d’équipe (communication, synchronisation, coordination explicite et coordination implicite). Pour les analyses quantitatives, nous avons réalisé des analyses factorielles afin de vérifier la transférabilité de l’instrument de Chiocchio et coll. (2012) dans le contexte hybride de notre étude. De plus, nous avons réalisé des analyses descriptives et inférentielles à partir des données de notre questionnaire. Pour les analyses qualitatives, nous avons choisi de faire une analyse thématique des contenus d’activités des JBC et du questionnaire. Nous avons procédé à une triangulation des données en intégrant nos données qualitatives et quantitatives par assimilation. Ainsi, les résultats des analyses qualitatives ont permis de bonifier les résultats des analyses quantitatives (Pluye, Bengoechea, Granikov, Kaur et Tang, 2018). De plus, nous avons identifié les compétences effectives en analysant des pratiques mobilisées par l’entremise du travail des douze équipes interprofessionnelles d’étudiants. Ces compétences effectives ont été mises en action lors de la cocréation d’une vignette interprofessionnelle et d’une activité d’éducation thérapeutique dans le JBC. Le fruit de ce travail collaboratif préparatoire a été bonifié quelques mois plus tard lors de l’atelier interprogramme se déroulant en présentiel et coanimé par un professionnel de la santé et un patient partenaire formateur.

Les résultats indiquent que les participants de l’étude ont majoritairement et similairement mobilisé les dimensions de la collaboration (communication, synchronisation et coordination explicite et implicite) en ligne et en présentiel. La communication et la coordination seraient tributaires de la synchronisation lorsque la collaboration se déroule en ligne. L’usage du numérique – notamment les médias sociaux et un outil technologique d’écriture collaborative – auraient favorisé la collaboration en mode hybride. En présentiel, le patient partenaire coanimateur a soutenu des équipes pour faire le point sur leurs apprentissages et ainsi développer des compétences du référentiel du cours CSS2900. Les résultats démontrent que le contexte de l’étude en mode hybride permet aux équipes de collaborer sur une longue période, à la manière d’une classe inversée. Ceci favoriserait le développement des compétences du référentiel (DCPP et CIO-UdeM) et le décloisonnement des professions. Cette étude note aussi que les contextes d’apprentissage où les pratiques des compétences effectives ont été mobilisées semblent se rapprocher du réseautage interprofessionnel et de la collaboration consultative, deux types de travail interprofessionnel de la typologie de Xyrichis et coll. (2018).

Enfin, nous avons choisi d’illustrer les éléments de la discussion des résultats dans la Figure 29 La classe inversée collaborative pour l’éducation à la collaboration interprofessionnelle en partenariat patient. Par le dynamisme de cette Figure, nous souhaitons laisser des traces illustrées pour ainsi favoriser la transférabilité de notre étude dans d’autres contextes en EIP.

 [1] Interprofessional education (IPE)

Soutenance de thèse de Audrey Raynault