Organisation et re-production des rapports de domination dans les distributions dissymétriques du travail enseignant : une enquête du point de vue d’enseignant.es de groupes racisés
Sous la direction de recherche de Marie-Odile Magnan-Mac Kay, Département d'administration et fondements de l'éducation.
Résumé
Menée à partir d’une perspective épistémologique interprétative-critique et d’un cadre d’analyse féministe, cette thèse dévoile des configurations des rapports sociaux et du pouvoir par lesquelles se matérialise la domination dans l’institution éducative. Inspirée par la méthode sociologique de l’ethnographie institutionnelle, cette recherche prend la forme d’une enquête cherchant à comprendre comment les rapports sociaux, notamment de race, sont organisés et re-produits dans les distributions dissymétriques du travail enseignant. L’enquête a été menée depuis le point de vue d’enseignant·es en insertion professionnelle assignés par des rapports sociaux de race et travaillant dans les commissions scolaires francophones de la RMM (14). Leurs récits et questionnements ont guidé l’exploration des processus institutionnels et pratiques régulant l’obtention d’une autorisation d’enseigner et de contrats de travail. L’enquête a été approfondie par des entretiens menés avec des directions d’établissement d’enseignement (4), des conseiller·es pédagogiques (2), des conseillères syndicales (2) et des employées du secteur des ressources humaines (2) rattachés à deux commissions scolaires de la RMM. Des documents –lois, règlements, rapports, conventions collectives, etc.– organisant à différents égards ces processus ont également été analysés.
Les résultats de la thèse se situent à plusieurs niveaux. Le dévoilement des configurations des rapports sociaux dans le travail enseignant ne peut se faire sans rendre visible, plus largement, les multiples hiérarchies structurant ce travail à même son cadre législatif. À partir de différents fragments de matériaux, la thèse révèle empiriquement comment l’accroissement du travail atypique et précaire en enseignement – plus marqué depuis les années 1990– induit une augmentation des possibilités de hiérarchisation entre les employé·es, desquelles émergent de nouvelles reconfigurations de la division du travail. La thèse montre comment les rapports sociaux de race organisent la distribution du travail dans cette profession déjà structurée historiquement par des rapports sociaux de sexe. Les résultats mettent en exergue la création de « classes » d’enseignant·es hiérarchisées afin de pourvoir à des affectations elles-mêmes classifiées selon qu’elles permettent ou non de progresser dans la carrière. En l’absence de dispositif conséquent pour faire face à la discrimination systémique, cette thèse montre comment l’arbitraire des processus et critères à partir desquels les enseignant·es sont sélectionnés risquent de confiner de manière disproportionnée les enseignant·es de groupes racisés aux emplois atypiques et précaires. À la lumière de ces résultats, la thèse interpelle les acteurs intervenant à plusieurs niveaux de l’institution éducative afin de confronter les inégalités de traitement compromettant l’effectivité du droit à l’égalité entre les personnes composant le personnel enseignant.