Les parcours d’orientation linguistique postsecondaire et professionnelle : l’expérience de jeunes adultes issus de l’immigration à Montréal
Soutenance de thèse de Fahimeh Darchinian. Sous la direction de recherche de Marie-Odile Magnan (Département d'administration et fondements de l'éducation et de la co-direction de Fasal Kanouté (Département de psychopédagogie et d'andragogie)
Résumé
Cette recherche explore le travail de négociation des jeunes adultes issus de l’immigration à Montréal en ce qui a trait à la construction de leur parcours d’orientation linguistique postsecondaire et professionnelle. Dans la littérature scientifique, le processus d’expérience du passage au postsecondaire et sur le marché du travail chez cette population a été principalement problématisé autour des questions du taux de diplomation et d’accès à l’emploi en contexte international et canadien. L’angle interprétatif de la thèse fait ressortir les spécificités de cette expérience dans le contexte sociohistorique du Québec. Basé sur la méthode des récits de vie biographiques et rétrospectifs, le corpus qualitatif comprend 25 jeunes adultes issus de l’immigration qui, après leur secondaire au secteur francophone, ont poursuivi des études postsecondaires (cégep/université) dans une institution (anglophone/francophone) montréalaise et qui ont deux ans d’expérience sur le marché du travail montréalais. La mise en rapport des témoignages des jeunes adultes interrogés permet d’explorer de façon approfondie la complexité de leur expérience d’orientation, ce qui s’avère complémentaire aux recherches quantitatives déjà menées sur ces questions. Étant donné que 21 de ces jeunes adultes appartiennent à différentes catégories de minorités visibles, les résultats de la thèse apportent un éclairage sur les particularités des parcours postsecondaires et professionnels des minorités visibles issues de l’immigration. Inspiré de la sociologie compréhensive, le cadre d’analyse de la thèse rend compte du va-et-vient qu’opère l’acteur social entre les dimensions sociales d’ordre microsociologique et macrosociologique. Une conception relationnelle de l’expérience sociale permet d’introduire la notion des frontières, plus spécifiquement des frontières majoritaires/minoritaires, dans l’analyse de l’expérience d’orientation postsecondaire et professionnelle. La conception non linéaire des parcours de vie permet la prise en compte des bifurcations et des réorientations constitutives de ces parcours.
Sur les plans empirique et théorique, cette thèse contribue à creuser le rôle des frontières majoritaires/minoritaires et, plus spécifiquement, le rôle des rapports de pouvoir dans le processus d’orientations linguistiques postsecondaires et professionnelles des jeunes adultes issus de l’immigration, surtout celles des minorités visibles issues de l’immigration. En effet, en abordant les parcours d’orientation sous l’angle de la négociation des frontières majoritaires/minoritaires, les résultats montrent que des rapports de discrimination et d’exclusion influencent les choix d’orientation postsecondaire et professionnelle des jeunes adultes issus de l’immigration. Plusieurs de ces jeunes adultes, sous l’effet du vécu d’une forme particulière de discrimination, comme le racisme, le linguicisme et l’intolérance religieuse, s’éloignent des milieux postsecondaires et des milieux de travail francophones et choisissent de s’intégrer dans les milieux anglophones. Les résultats mettent en exergue la vulnérabilité de certaines catégories de minorités visibles, telles les Noirs et les Arabes, qui ressentent davantage de comportements discriminatoires où ils se sentent exclus du groupe majoritaire québécois. Il s’avère que ces jeunes adultes, majoritairement francophones, préfèrent notamment travailler en milieu anglophone. La thèse montre ainsi que les rapports de pouvoir qui régissent les relations sociales dans la société québécoise renforcent les frontières ethnoculturelles entre les Québécois francophones et les jeunes adultes issus de l’immigration, et ce, peu importe si ces derniers ont eu un passage relativement réussi au postsecondaire et sur le marché du travail.