Le féminisme dans les manuels d’histoire nationale : enquête auprès d’élèves québécois de quatrième secondaire
Par Marie-Hélène Brunet, du Département de Didactique
Sous la direction de recherche de Marc-André Éthier
Résumé
Plusieurs recherches en didactique de l’histoire se sont intéressées à la faible présence des femmes dans les manuels. Toutefois, aucune ne s’est penchée sur la compréhension des questions reliées au genre dans les récits historiques par les élèves. Cette étude propose de combler cette absence grâce à une étude de cas exploratoire auprès d’élèves de quatrième secondaire en histoire nationale. Nous avons interrogé les adolescents sur leurs conceptions du manuel d’histoire et du féminisme par voie de questionnaire (n=595) et à l’aide d’entretiens individuels (n=9). Durant ces entrevues, des extraits de manuels offrant des discours divergents sur le féminisme leur étaient présentés.
Ce travail décrit et analyse les usages du manuel par les élèves, leurs conceptions des luttes féministes dans l’histoire, de même que leur compréhension du rôle accordé aux femmes dans les récits historiques (agentivité). Les élèves perçoivent le manuel d’histoire comme véridique et neutre. Ils l’utilisent d’abord et avant tout afin de répondre à des questions de repérage d’informations historiques. Ils sont peu enclins à le remettre en question, même lorsqu’ils sont confrontés à des récits contradictoires. Ils ont plutôt tendance à amoindrir les différences retrouvées dans les récits afin que le discours corresponde à leurs conceptions initiales de la matière. Pour une majorité d’élèves, les luttes féministes sont associées au passé et il y a peu de liens à faire avec le présent.
Le mouvement féministe est associé de manière prépondérante à l’obtention du droit de vote et à quelques évènements ponctuels dénués de contextualisation. Les stéréotypes de genre sont perceptibles dans les réponses de nombreux adolescents, de même que l’antiféminisme, dans une moindre proportion. Cependant, la majorité des élèves rencontrés en entrevue a été en mesure de déceler des différences en fonction de l’agentivité dans les extraits de manuels proposés. Cela nous porte à croire que le développement d’habiletés liées à la pensée historienne en classe pourrait mener les élèves à réfléchir de manière critique aux rapports de genre dans l’histoire.