Conférence de Serge Haroche, Collège de France et École normale supérieure, Paris intitulée : Jongler avec des photons dans une boîte pour explorer le monde quantique
Résumé:
Depuis l’article fondateur d’Einstein sur l’effet photoélectrique de 1905, nous savons que la lumière, connue depuis Maxwell comme une onde électromagnétique, est aussi composée de particules élémentaires ou quanta : les photons. Cet étrange dualisme onde-particule a ouvert la voie à la théorie quantique et révolutionné la physique. Lorsqu’ils discutaient entre eux des concepts quantiques qui sont si contraires à notre intuition classique, les pères de la théorie – notamment Einstein, Bohr et Schrödinger - décrivaient des « expériences de pensée » dans lesquelles ils s’imaginaient manipulant librement des photons, des électrons ou des atomes et observant leur comportement bizarre. Ils croyaient cependant qu’il serait à jamais impossible de réaliser effectivement ces expériences idéales en laboratoire. Pour effectuer de telles expériences avec des photons, il faut en particulier surmonter une grande difficulté liée à l’extrême fragilité de ces particules de lumière qui sont généralement détruites dès qu’elles sont détectées. Les progrès technologiques ont récemment changé cette situation et permis de manipuler des photons de façons qui semblaient auparavant hors de portée. Je décrirai cette aventure et montrerai comment nous avons construit une « boîte à photons » où, sans les détruire, nous pouvons compter les quanta de la lumière à la manière de billes dans un sac. Nous avons aussi pu « façonner » des états étranges de lumière emprisonnée dans notre boîte à photons et y produire des versions de laboratoire du célèbre chat de Schrödinger, que le physicien autrichien imaginait dans une superposition d’états simultanément « mort » et « vivant ». Dans le cas qui nous occupe, le « chat » est composé de photons au lieu d’atomes, et il est maintenu « à mi-chemin » entre deux états que les physiciens classiques estimeraient incompatibles. L’étude de ce comportement étrange nous permet de comprendre les lois quantiques et d’apprendre à exploiter des processus que nous espérons pouvoir utiliser un jour pour mettre au point de nouvelles technologies susceptibles d’améliorer la précision de certaines mesures, la confidentialité des communications ou la puissance des simulations informatiques.
Cette conférence est donnée dans le cadre du congrès de l'Association canadienne des physiciens et des physiciennes qui se tient du 27 ou 31 mai 2013.